Les produits agricoles biologiques sont produits dans le respect de nombreuses règles, mais qu’en est-il de l’utilisation de pesticides ? Les méthodes de production sont-elles totalement exemptes de l’appui de pesticides ? Il s’avère que l’agriculture biologique est autorisée à user des pesticides naturels recensés sur une liste officielle. L’information est peu médiatisée et la plupart des consommateurs des produits biologiques imaginent que ces produits agricoles sont élaborés sans aucune utilisation de pesticide.

Pour affirmer que l’on produit du bio en France, il est incontournable d’avoir obtenu une certification qui donne droit au label AB. Le journal Officiel de l’Union Européenne évoque dans le Règlement N°834/2007 du conseil du 28 juin 2007 relatif à la production biologique et à l’étiquetage biologique les règles à respecter pour être estampillé bio.

Quels sont les pesticides autorisés en agriculture bio ?

Les directives imposées à l’agriculture biologique rendent possible l’utilisation de certains pesticides naturels. La principale différence est que les produits doivent impérativement être naturels. Toutefois, il faut faire la distinction entre source naturelle d’un pesticide et dangerosité. Ce n’est pas parce que les produits sont naturels qu’ils ne sont pas nocifs pour la santé et pour l’environnement. Dans l’agriculture biologique, les principaux fongicides naturels appliqués sur les plantes et le sol sont le cuivre et le soufre.

Si l’on questionne les Français sur les raisons qui les ont poussés à faire le choix du bio, c’est qu’ils pensent que l’agriculture biologique n’utilise aucun pesticide ou produit dangereux pour la santé. C’est même la première raison qui incite au changement pour des produits biologiques. Les producteurs et distributeurs surfent un peu sur cette croyance, car le marché du bio est en pleine expansion et le fait d’évoquer l’utilisation des pesticides serait un véritable frein pour l’économie, bien qu’ils soient naturels.

Le label Agriculture Biologique est basé sur des règles européennes strictes et ne doit comporter aucun OGM ni utiliser des pesticides synthétiques. Cependant, ce type de label autorise une liste précise de 106 substances phytosanitaires qui ont été validées en France pour l’agriculture biologique.

Une enquête de l’EFSA datant du 12 mars 2018 (Agence Européenne de Sécurité Alimentaire) a confirmé la présence de pesticides naturels sur les produits biologiques, même si elle reste bien moindre que sur les produits issus de l’agriculture conventionnelle.

Quelques chiffres clés

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106

106 substances potentiellement nocives sont autorisées par la France.

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12 milliards d'euros

Le marché biologique représente près de 12 milliards d’euros de chiffre d’affaires en France en 2019.

 

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9 sur 10

En 2018, 9 Français sur 10 confirment consommer du bio de temps en temps.

Quels sont les impacts sur la santé et l’environnement ?

Conséquences sur les humains et les animaux

Les pesticides naturels sont principalement produits par les plantes. Les végétaux, incapables de se mouvoir, ont en effet développé des systèmes de défense très puissants en créant des molécules toxiques visant à éloigner ou à exterminer les organismes qui sont nuisibles à leur croissance. Il ne faut donc pas prendre à la légère l’utilisation de pesticides biologiques, qui ne sont pas sans conséquence sur les animaux, mais aussi sur les humains. À ce titre, 52 pesticides naturels ont été testés sur des rongeurs. Il s’est avéré que la moitié était cancérigène pour les animaux. À forte dose, un pesticide naturel est potentiellement mutagène, tératogène ou encore cancérigène pour les humains et les animaux.

Prenons l’exemple de la roténone qui est une substance extraite d’une plante tropicale. Ce pesticide a été interdit en 2008, mais a longtemps été utilisé comme produit phytosanitaire naturel. Il s’avère que la roténone provoque des dérèglements des neurones et serait peut-être l’une des raisons du développement de certains cas de la maladie de Parkinson.

L’huile de neem a longtemps été laissée de côté car soupçonnée d’être un produit nocif. Or, en 2014, elle est à nouveau autorisée sur le marché français. Pourtant, cette substance naturelle est suspectée d’être un puissant perturbateur endocrinien et d’induire la malformation des abeilles et d’autres insectes. Bien que naturels, les pesticides autorisés dans l’agriculture biologique détruisent aussi les nuisibles non ciblés. La pyréthrine anéantit les insectes ravageurs des plantations, mais atteint également les abeilles et les coccinelles qui sont indispensables à la biodiversité.

Conséquences sur les terres et environnement

L’agriculture biologique emploie des produits naturels pour réduire l’impact des champignons, insectes ou encore animaux qui nuisent à la production. Cependant, elle laisse des traces dans les sols et ne peut pas recevoir tous les lauriers de la gloire lorsque l’on étudie en détail les conséquences qu’elle peut avoir sur les terres exploitées. Si l’on se penche sur l’utilisation du cuivre dans la bouillie bordelaise, on ne dénote pas d’impact négatif pour les oiseaux et les petits vertébrés ou les insectes.

Si le cuivre contenu dans la bouillie bordelaise n’a pas de conséquence sur la faune, il acidifie et appauvrit les sols. De plus, le cuivre se répand dans les nappes phréatiques et devient un agent toxique pour les poissons et la consommation d’eau par les humains. L’excès de cuivre est observé sur la réduction des systèmes racinaires des plantes jusqu’à la mortalité totale de certaines plantes.

Le saviez-vous ?

Il existe diverses alternatives aux pesticides naturels et chimiques. Celles-ci sont respectueuses de l’environnement et ne présentent pas de risque sanitaire.

Les solutions alternatives aux pesticides dans le bio

Pour réduire l’utilisation des pesticides en agriculture biologique, il existe des méthodes qui ont été approuvées avec les années.

La rotation des cultures

La rotation des cultures est une solution très efficace pour avoir moins recours aux pesticides naturels dans le bio. En faisant tourner le type de cultures sur un sol, l’agriculteur biologique lutte plus efficacement contre les plantes adventices tout en conservant une partie nécessaire. C’est aussi l’occasion de mieux nourrir le sol et, par conséquent, la plante produite.

Les différentes cultures enrichissent le sol en apportant des nutriments. La rotation des cultures améliore la composition et la structure du sol : elle aide à la lutte contre les ravageurs et les champignons en cassant les cycles de certaines maladies et des animaux ravageurs. En modifiant les types de cultures, l’agriculteur augmente le potentiel du rendement de ses terres.

Le paillage naturel

Le paillage naturel est régulièrement utilisé dans l’agriculture biologique. En couvrant le sol de matériaux naturels, les cultures sont protégées des intempéries et bénéficient des matériaux organiques qui se décomposent pour nourrir le sol. Le paillage a plusieurs avantages :

  • il réduit les conséquences de fortes chaleurs, tout en conservant l’humidité du sol ;
  • le paillage évite le ravinement lié à de fortes intempéries.

De plus, le paillage est une aide pour limiter les grandes différences de températures. Par ailleurs, outre tous ces avantages, le paillage naturel constitue un abri pour les habitants du sol. En couvrant le sol, les adventices ont plus de mal à proliférer.

Les plantes compagnes

Dans le cadre de l’agriculture biologique, il est également possible d’utiliser la compatibilité de certaines cultures maraîchères pour éloigner les nuisibles et diminuer le risque de maladie. L’association de certaines plantes est bénéfique pour réduire l’impact des insectes ravageurs ou éviter le développement de champignons rien qu’en étant cultivées en corrélation. On pense notamment à l’association d’ail avec la carotte, ou la betterave pour éloigner les insectes.

La protection des cultures contre les animaux

Pour lutter contre les effets néfastes de la présence de certains animaux, l’agriculture biologique peut également être utilisée. Elle permet notamment d’éviter les dommages occasionnés par ces animaux. La perte financière liée à la présence d’animaux ravageurs est un souci récurrent qui incite les agriculteurs à se pencher sur le problème de la déprédation.

C’est alors qu’interviennent les méthodes naturelles et non létales pour réduire les dégradations de ces animaux. Il s’agit, par exemple, de l’installation de clôtures autour des plantations, de l’utilisation de répulsifs odorants ou de canons à gaz et effaroucheurs visant à faire fuir les oiseaux.

Les produits de renforcement de la défense des plantes

Accompagner pour mieux lutter, voici le principe des produits de renforcement qui décuplent les possibilités d’une plante de se défendre seule. Les mécanismes de défense naturelle sont activés lors d’un stress environnemental ou d’une agression. La stimulation des défenses naturelles des végétaux en agriculture biologique booste leur système de défense pour les rendre plus résistants. Les stimulateurs de défenses naturelles (SDN) sont identiques à un signal agressif qui enclenche des réactions pour se défendre.

Le bio-contrôle

Le bio-contrôle vise à utiliser des moyens de protection vivants ou des éléments issus d’un organisme vivant. Il se base sur l’action de macro-organismes, de phéromones, de substances naturelles ou encore de micro-organismes. Les agents de bio-contrôle se sédentarisent et régulent les nuisibles.

Il est aussi possible d’importer des agents de bio-contrôle en introduisant des ennemis naturels pour réduire la présence des ravageurs. On pense notamment à la coccinelle, qui élimine les pucerons en les mangeant. Le bio-contrôle s’appuie aussi sur une démarche de perturbation des ravageurs avec des phéromones, la dispersion d’insectes ou de ravageurs stérilisés et d’autres techniques sans impact nocif.

Les Préparations Naturelles Peu Préoccupantes (PNPP)

Les PNPP, préparations naturelles peu préoccupantes, sont sélectionnées pour leur action bio-stimulante. Elles sont obligatoirement d’origine végétale, animale ou minérale et ne doivent pas être génétiquement modifiées. Elles sont travaillées pour obtenir des préparations visant à la protection de la plante.

Autrefois couramment utilisées, les PNPP ont été évincées par la chimie et les produits de synthèse. C’est un savoir ancestral qui est remis sur le devant de la scène, comme le purin d’ortie, qui a été banni par les autorités.

Ce qu’il faut retenir 

L’utilisation de pesticides, même naturels, a un impact fort sur notre environnement. Cet usage n’est pas anodin pour la santé des agriculteurs, mais aussi pour les animaux et les sols agricoles. Les démarches de développement durable doivent tendre à un recours de moins en moins régulier aux pesticides et au développement de solutions alternatives moins nocives.

Les +
  • les pesticides naturels sont moins durables que les produits phytosanitaires chimiques. Ainsi, un lavage soigneux des fruits et des légumes permet la suppression de la plupart des résidus ;
  • une réflexion du CNRS et de l’INRA explore les nouvelles possibilités de mieux gérer les pesticides et d’autoriser des solutions alternatives pour le moment interdites ;
  • même s’ils contiennent quelques résidus de pesticides, les produits bio testés sont bien moins atteints que les produits de l’agriculture conventionnelle.
Les -
  • beaucoup de Français ne savent pas que l’agriculture biologique utilise des pesticides ;
  • certains produits autorisés pour la culture biologique sont nocifs et non biodégradables ;
  • les cultures biologiques continuent à provoquer des effets négatifs sur la biodiversité et les populations d’animaux et micro-organismes.