Infiltrer l’Assemblée Nationale pour influencer les décisions concernant les pesticides

Les organismes soutenant les pesticides peuvent être différents types de structures (entreprises, coopératives agricoles, etc.). De ce fait, leurs stratégies pour influencer la réglementation sur les produits phytosanitaires sont diverses et variées. Zoom sur ces méthodes qui freinent l’interdiction de l’utilisation des pesticides de synthèse.

Tout d’abord, l’une des stratégies utilisées par les lobbies pour influencer la réglementation sur les pesticides est l’infiltration de l’Assemblée Nationale. Quoi de plus efficace que de se retrouver à l’endroit même où les décisions sont prises ?

En mai 2018, Delphine Batho rédige un amendement qui interdit le glyphosate. La première version de son texte a été récupérée par un lobby de la chimie, qui l’a ensuite transmise à des industriels soutenant les pesticides de synthèse. Un mystère subsiste encore : comment le texte s’est-il retrouvé dans les mains du lobby de la chimie ? La question se pose car, en temps normal, à ce niveau de la procédure, seuls deux types d’acteurs auraient pu y accéder :

  • les députés rédacteurs ;
  • les fonctionnaires de l’Assemblée Nationale.

Il semblerait donc que les lobbies soutenant les pesticides s’infiltrent à l’Assemblée Nationale. Cette théorie se précise davantage. En effet, lorsque Marisol Touraine était ministre de la Santé, elle avait surpris une secrétaire en train de fouiller dans ses dossiers. Cela s’est passé au moment des votes sur le paquet de cigarettes neutres : les lobbies œuvrent sur tous les marchés.

Quelques chiffres clés

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43

Sur 298 collaborateurs ministériels, 43 avaient travaillé dans le lobbying en 2018.

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1500

Depuis la Loi Sapin 2, tous les lobbies en contact avec des élus doivent s’inscrire sur un registre, qui compte déjà 1 500 groupes d’intérêts.

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95%

Les 22 entreprises qui adhèrent à l’UIPP (Union des Industries pour la Protection des Plantes) représentent 95% du marché des pesticides chimiques.

Lobbies : organiser des colloques et autres événements pour chambouler les réglementations sur les pesticides

Un colloque est un débat entre diverses personnes sur des thèmes généralement porteurs. L’une des stratégies des lobbies soutenant les pesticides est d’organiser des colloques sur des thèmes d’actualité forts. Ces événements sont tous frais payés et comptent des élus dans leurs invités. Ainsi, les lobbies qui se cachent derrière cet événement peuvent diffuser leurs arguments soutenant les pesticides chimiques en toute discrétion.

Autre événement que peuvent organiser les lobbies pour influencer la réglementation sur les pesticides : des expositions. Dans les faits, en 2018, l’UIPP (Union des Industries pour la Protection des Plantes) organise l’exposition “Un espace végétal éphémère”. De prime abord, cette exposition semble être engagée pour la préservation de l’environnement, mais en creusant un peu, on se rend vite compte qu’il s’agit d’un stratagème des lobbies. L’UIPP n’est finalement qu’un groupement d’entreprises fortement engagées en faveur des produits phytosanitaires de synthèse. En outre, dans l’exposition, le terme pesticide n’est pas cité une seule fois. Il est, en effet, question de :

  • “protection des cultures” ;
  • “santé des plantes” ;
  • “chimie de synthèse”.
Le saviez-vous ?

Il existe aussi des lobbies luttant pour l’interdiction des pesticides chimiques. Leurs méthodes ne sont pas aussi extrêmes que celles des lobbies soutenant les pesticides. Dans les faits, les intérêts économiques ne sont pas les mêmes. Les entreprises qui luttent contre les pesticides œuvrent en effet pour la santé environnementale et de l’Homme, et non pas pour des intérêts financiers.

Ralentissement des procédures et fabrication de doutes, les méthodes des lobbies soutenant les pesticides

Certains lobbies qui soutiennent les pesticides chimiques arrivent à ralentir les processus de décision. Par exemple, en 2013, la Commission Européenne devait définir les perturbateurs endocriniens. Divers pesticides chimiques en sont. De ce fait, les lobbyistes ont demandé une étude d’impact afin de gagner du temps. Ils ont réussi à gagner entre 12 et 15 mois. Cette méthode permet aux lobbies des pesticides d’élaborer de nouveaux arguments et de les transmettre aux décisionnaires par différents biais.

Concernant la fabrique de doutes, cette méthode consiste à repousser les frontières de l’incertitude pour introduire le doute dans l’esprit du décideur. Cette technique se retrouve notamment chez les industries. Dans les faits, elles emploient des scientifiques pour produire des études scientifiques qui appuient leurs propos et leurs produits. Cela leur permet d’avoir davantage de crédibilité et d’impact. Toute cette manigance est menée dans le but d’influencer la réglementation sur les pesticides.

Ce qu’il faut retenir 

Il existe différents types de lobbies, dans tous les secteurs et celui des pesticides n’est pas épargné. Ces structures ont différents modes d’action, qui sont généralement assez efficaces. Comment les lobbies des pesticides parviennent-ils à leurs fins ? Il apparaît que divers stratagèmes sont mis en place :

  • infiltration de l’Assemblée Nationale ;
  • organisation de colloques ;
  • organisation d’événements de green washing ;
  • ralentissement des procédures ;
  • fabrication de doutes, etc.
Les +
  • la loi Sapin 2 permet de savoir qui sont les lobbies et d’avoir une vision plus claire sur ce qui se passe véritablement ;
  • la loi HATVP (Haute Autorité pour la Transparence de la Vie Publique) œuvre pour que les citoyens aient davantage de visibilité sur les lobbies ;
  • il existe une prise de conscience générale sur l’impact environnemental des pesticides chimiques, ce qui se traduit par diverses actions de la part des lobbies luttant contre les produits phytosanitaires de synthèse.
Les -
  • les lobbies des pesticides ont une grande influence car il s’agit de structures importantes ;
  • les lois ne sont pas assez strictes en ce qui concerne les lobbies ;
  • les stratagèmes des lobbies soutenant les pesticides sont très travaillés et portent généralement leurs fruits.